Chevaux dans la forêt du Windstein

Alsace du nord avec des chevaux de trait

 Des chevaux passe-partout

 Dans la forêt du Windstein à Dambach, deux débardeurs travaillent avec des chevaux de trait, dans des parcelles aux pentes abruptes. Leurs ardennais, Trésor et Odilon, passent là où les machines ne peuvent pas s'aventurer.

 Harnaché d'un collier, d'une bride et de chaînes, Trésor, tracte courageusement trois grands troncs de pin douglas. Trésor, brave cheval de trait ardennais, c'est une tonne de muscles, une tonne d'énergie, de puissance. Dans son sillage, Gilles Marty, débardeur, guide les grumes sur la piste qui se dessine entre deux rangées d'arbres. « Hey ! Allez Trésor, tu passes par-dessus, allez, tu ne bouges plus. » Les sabots massifs de l'animal peinent à s'accrocher au sol meuble de la forêt perchée au-dessus du château du Windstein. Et « ce matin, les bois descendent tout seuls à cause du gel. » À tout moment, un tronc peut être précipité dans la pente raide de près de soixante degrés où aucun tracteur ne peut grimper.

 Plus loin, Frédéric Destailleur précédé d'Odilon - même origine, même corpulence, même force que Trésor - regroupe également des troncs en aval de la parcelle. « Le gestionnaire de la forêt a décidé d'enlever des arbres pour faire rentrer de la lumière et favoriser la pousse de jeunes sujets. » Gilles, 52 ans, et Frédéric, 32 ans, établis « en forêt de Rambouillet au sud de Paris », sont arrivés au mois de novembre pour mener à bien cette mission périlleuse dans la forêt qui appartient à un propriétaire privé. Ils ne sont que « sept ou huit en France » à travailler ainsi, à l'ancienne, avec des chevaux de trait. Pas par nostalgie, simplement parce qu'« un bonhomme a déjà du mal à monter alors un tracteur, ce n'est pas la peine d'y penser ».

 « Un cheval de trait est au top de sa forme vers l'âge de 8 ou 9 ans »

 À voir Trésor et Odilon peiner, souffler dans l'air froid du matin, transpirer, plier puis se relever sur le versant abrupt, on prend pitié. Mais le travail des hommes n'est pas plus doux. « La forêt est un métier difficile... comme beaucoup d'autres », nuance Gilles. Cela dit, « quand les gens nous disent qu'on a de la chance de travailler dans la nature, sans stress, ça me fait rigoler. Aujourd'hui, vous venez sous un rayon de soleil, hier on a travaillé toute la journée sous la flotte, c'était autre chose. » Même pendant les grands froids de février, ils ont débardé chaque jour, préférant les pentes un peu plus douces de la forêt de Wingen-sur-Moder.

 Pendant que les débardeurs et les chevaux tirent laborieusement leur fardeau, quelque chose siffle, filant à toute vitesse sur les tapis de brindilles et d'humus. C'est un tronc, échappé du chantier mené par des bûcherons en amont. Quelqu'un crie au loin, le bois finit sa course dans un bruit sourd sur le chemin en contrebas. « En forêt, il faut toujours être très concentré sur une multitude de petites choses, un pépin peut très vite arriver », explique Frédéric sans trop s'émouvoir. Au prix de cette constante attention, il dit n'avoir « jamais eu de grosse frayeur » dans sa carrière.

 « Pas du genre à murmurer à l'oreille des chevaux »

 Les chevaux affichent la même placidité. Eux non plus ne semblent pas inquiets des caprices de la forêt. C'est que Trésor, 5 ans, et Odilon, 9 ans, ont déjà du métier. « Un cheval de trait est au top de sa forme vers l'âge de 8 ou 9 ans, il pourra faire du débardage jusqu'à 15 ou 16 ans. Après, on lève le pied, ça devient trop difficile pour ses articulations, trop dangereux pour lui comme pour nous. » À côté du van stationné sur le chemin, Ultime, magnifique trait breton de 4 ans, se régale de foin. Pas de mission pour lui aujourd'hui parce qu'« il n'a pas encore assez d'expérience pour travailler dans une pente aussi raide ». Son tour viendra.

 Une relation de confiance et de profond respect lie les débardeurs et leurs bêtes. « Mais ça reste un outil de travail, on ne projette rien d'humain sur eux, on n'est pas du genre à murmurer à l'oreille des chevaux », précise Frédéric. « On a choisi ce métier par passion du bois avant de le faire par passion de l'animal. » Mais il a beau jouer les durs, il l'aime bien son cheval. « C'est comme un collègue de travail, on a des prises de gueule et des bons moments... Et parfois, il nous sauve de misères. »

 Midi approche au Windstein, l'heure pour toute l'équipe de descendre déjeuner. « Hopla », s'amuse Gilles tout fier des quelques mots de dialecte appris au contact des bûcherons du coin. « Et à la fin de la journée, on dit Firowe. » Leur mission en Alsace s'achèvera la semaine prochaine. Dans la foulée, ils entameront un nouveau chantier « dans la forêt de Fontainebleau, en région parisienne ». Frédéric, Gilles, Odilon et Trésor ne seront pas fâchés de retrouver un terrain plus hospitalier, de laisser filer le printemps en pente douce.

Dernières Nouvelles d'Alsace - par Geneviève Lecointre , publié le 18/02/2012

Chevaux au Windstein

La forêt recèle de nombreux pièges pour les chevaux et les
hommes. Frédéric Destailleur doit ici user de la tronçonneuse
pour libérer Odilon dont la charge de bois s'est prise dans un arbre.
Photo DNA - Geneviève Lecointre.

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