Les activités équestres et la TVA

Secteur de Wissemboug / Equitation

 Les activités équestres dans le viseur de l'UE

 Bénéficiaires de la TVA à 5,5 % depuis 2005, les activités équestres pourraient repasser à 19,6 % d'ici à la fin de l'année pour uniformiser les taxes dans l'Union européenne. Une perspective qui inquiète les professionnels du secteur, fort de nombreux centres équestres et métiers autour du cheval.

 « On est évidemment très préoccupés », lâche François Pitre, responsable du centre équestre Equiloisir à Weiler. L'homme ne cache pas son inquiétude et son incompréhension face à la remise en cause de la fiscalité sur les activités du secteur équestres. Jusqu'en 2003 on était soumis à 19,6 %, le régime commercial, puis on est passé à 5,5 % au régime agricole en 2005, rappelle-t-il. « Une bulle d'oxygène pour les professionnels à l'époque », confirme Sabine Schweiger, qui gère l'écurie du Loti à Merkwiller.

  Mais depuis 2010, l'Union Européenne remet en cause cette TVA réduite pour uniformiser les taxes dans l'UE. Après la condamnation de l'Allemagne et de l'Autriche en mai, l'étau se resserre sur la France. Elle pourrait être forcée de repasser à 19,6 % n'importe quand d'ici la fin de l'année. Et tant pis si cela a un impact sur le développement économique du secteur, très représenté dans le pays de Wissembourg.

 « Pas le choix, on devra augmenter d'environ 14 % »

 Composer avec une TVA à 19,6 % ? Un retour en arrière redouté, et en premier lieu par les centres équestres qui émaillent le territoire de l'Outre-Forêt. François Pitre a déjà fait ses calculs, et si la hausse devient inévitable, il devra la répercuter sur ses prix de base. « Pas le choix, on devra augmenter d'environ 14 % », se désole-t-il. Un cours d'une heure pour les moins de 12 ans passerait donc de 10,50  € à 11,90  € et de 17  € à 19,25  € pour les adultes. Une hausse qui ne sera pas sans conséquence sur la fréquentation de son club. « L'équitation est déjà un sport cher, et on a ressenti la baisse du pouvoir d'achat avec moins d'inscrits cette année. Si ça continue, les gens pratiqueront moins. »

 L'angoisse est aussi palpable chez Sabine Schweiger, à Merkwiller. Avec son mari, elle élève et vend des poulains (dont la fiscalité passerait de 2,10 % à 19,6 %) et prend en pensions. « Ce sera très mal perçu par les particuliers qui ne récupèrent pas sur la TVA, mais je serais obligée d'augmenter mes tarifs, soupire-t-elle. C'est déjà un métier très dur physiquement et financièrement, les prix des matières premières ont explosé cette année. » Avec les problèmes de blé en 2010, le cours des granulés a grimpé, quand la paille est passée à 130  € la tonne, soit 80 % de plus qu'il y a 5 ans. « Même sans cette hausse de la TVA, on devait augmenter nos tarifs », juge François Pitre.

 Un risque pour le paysage et les animations rurales

 « C'est la fourmi qui se bat contre le géant européen », lance Sabine Schweiger, qui pense se battre dans le vent et craint une nouvelle concurrence, « les particuliers qui prendront des chevaux au noir. » Une idée qui révolte Évelyne Delmet, agriculteur et éleveur depuis 30 ans à Seebach. « Aucune activité équestre ne peut se faire sans l'éleveur, c'est le premier maillon de la chaîne et ce qui le touche se répercutera sur toute la filière, jusqu'au sellier et au maréchal-ferrant », s'exclame la cinquantenaire, très remontée. À ses côtés, Fabrice Dambacher, fraîchement reçu au permis d'entraîner (pour les non-professionnels) approuve ses dires. « Je vais devoir injecter plus d'argent dans l'achat de mes chevaux et à terme, au lieu d'en avoir deux ou trois je n'en garderais qu'un seul. »

 Une réflexion qui amène Paul Schiellein, le président de l'Association filière cheval Alsace (AFCA), à prédire un scénario « catastrophe » : « Les gens achèteront peu et laisseront moins de chevaux en pension, alors les éleveurs auront du mal à vendre et en élèveront moins... Et dans 10 ans on n'aura plus de chevaux ! » Ce qui préoccupe notamment Paul Shiellein, à long terme, c'est l'impact sur le paysage rural du secteur de Wissembourg. « Si l'article de loi passe, il mettra en danger la préservation de nos herbages, qui représente 40 % du paysage. » En effet, une bonne partie est utilisée par les chevaux et ceux-ci étaient amenés à se réduire, l'herbe pourrait être remplacée par une culture plus rentable. « Si demain je ne peux plus être éleveur, je ferai sans doute du maïs à la place de mes 15 hectares d'herbe », confie Évelyne Delmet sans honte, Il faut bien gagner sa vie. »

 Autre risque pour l'Outre-Forêt : les animations ruralesNe serait-il pas judicieux d'encourager les « syndicats d'élevages » à imaginer une « aide à l'élevage » en faveur de ses membres, pour pallier la « prime à l'élevage » qui jadis fut versée par les « haras nationaux » et qui font aujpurd'hui défaut suite à leur restructuration en établissement public.
Ces aides seraient subventionnables par le Conseil Général et le Conseil Régional, à condition que les communes et les associations demanderesses y participent en amont. (sic)
qui font l'authenticité du secteur. Défilé de la Pentecôte à Wissembourg, Streisselhochzeit à Seebach, vendanges de Cleebourg... « Il faut élever des chevaux de trait pour tirer les chars des défilés et ils pourraient être amenés à disparaître s'ils coûtent trop chers. On ne va pas tirer les chars avec des tracteurs quand même ! » se désole Paul Schiellein.

 Mardi dernier, il a rejoint à Strasbourg les membres du bureau de l'AFCA, qui réunit l'ensemble des métiers du cheval en Alsace, pour faire un point sur cette épée de Damoclès qui pèse sur leurs têtes, pour une durée inconnue de tous. « C'est çà le plus dur, l'attente. Où, comment ? On ne sait pas quand l'UE rendra sa décision, mais on ne va pas attendre qu'il soit trop tard ! »

 Il faut déjà penser à des mesures compensatoires

 L'AFCA s'est donc tourné vers l'UE, en demandant un entretien à Joseph Daul, président du groupe PPE de centre droit au Parlement européen. « Il pourrait avoir de l'influence pour que l'Europe renonce à casser notre dynamique actuelle », avance Paul Schiellein. Et pour prévenir l'éventuel « coup d'arrêt », l'association va aller à la rencontre des députés de l'assemblée nationale pour qu'ils pensent à « des mesures compensatoires. »

 Dans le tourment de ces incertitudes, les professionnels des activités équestres attendent surtout des réponses claires de l'UE d'ici la rentrée, pour pouvoir célébrer la journée du cheval, en septembre, dans une atmosphère plus sereine.

Amandine Chappotteau

Dernières Nouvelles d'Alsace - Édition du Dimanche 21 août 2011

Schiellein Demelt Dambacher

Paul Schiellein, président de l'association filière cheval Alsace,
Évelyne Demelt, éleveur et Fabrice Dambacher, permis entraîneur. (Photo DNA)

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